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« Les sûretés ne sont plus sûres »

Le songe d’une nuit d’hiver. Hier au soir, j’ai rêvé d’un pays où créanciers est débiteurs vivaient en parfaite harmonie. Les uns prêtant aux autres avec, pour seule garantie, le respect de la parole donnée. Une idylle juridique encore bien méconnue puisqu’aujourd’hui, le temps de la confiance est révolue. Au commencement était le rêve, le prêt gratuit, un simple contrat entre amis. Au final, les établissements de crédit sont loin d’être nos amis.

La formule lapidaire « Pas de crédit sans sûreté » épouse plus que jamais la réalité.

Pourtant, difficile de rassurer les créanciers à l’heure où sûreté ne s’accorde plus avec sécurité. En effet, notre droit des sûretés est tiraillé par deux tendances contradictoires :

Protéger le créancier, car sans crédit pas d’économie prospère ; protéger le consommateur contre le créancier mais également contre lui-même. Entre ces écueils, pratique et jurisprudence naviguent sur les flots tumultueux des politiques juridiques. Le droit des sûretés ne vit plus en autarcie dans la sphère imperméable de notre droit civil. Infiltré par les influences extérieures, il se modèle, s’adapte, au gré des changements de notre climat juridique.

Droit des entreprises en difficulté ou la triste histoire du sacrifice des créanciers. Sauvegarde de l’entreprise, maintien de l’emploi, autant d’objectifs économiques et sociaux qui ne pouvaient que neutraliser notre droit des garanties. C’est bien au nom de ces principes législatifs que les créanciers titulaires de sûretés réelles ont été abattus en première ligne. Et la trêve de 1994 n’y changera rien.

Hypothèque, gage sans dépossession, restent inanimés, meurtris sur le champ de bataille des procédures collectives. Au petit jeu des classements sans suite, certains restent plus créanciers que d’autres, certains demeurent plus privilégiés que d’autres. Trésor, salariés, ennemis jurés des créanciers munis de sûretés, s’imposent comme créanciers superstars du droit des faillites

Quant aux sûretés personnelles, elles n’en sont pas pour le moins épargnées par l’ordre public consumériste. Scrivener en 1978, Neiertz en 1989 maternent la caution profane au nom d’un déséquilibre contractuel tant décrié entre professionnels du crédit et consommateurs. Principe de proportionnalité, mention manuscrite, nouvelle obligation d’information, autant d’attentions à l’égard d’une caution surprotégée qui en font un des premiers extraterrestres juridiques.

Malmené par les nouvelles politiques, le droit des sûretés connait également des fléaux qui ternissent sa réputation.

Complexité ! Il n’y a qu’à évoquer les lourdeurs de constitution et de réalisation de l’hypothèque, et ses difficultés techniques liées aux procédures collectives, pour se rendre à l’évidence qu’elle n’est plus la reine des sûretés. Formalisme impératif de publicité, recours aux procédures civiles d’exécution rendent l’hypothèque encore plus ombrageuse et poussiéreuse qu’elle ne l’était. À ceci faut-il ajouter l’inflation, voir même le pullulement des procédés de garantie. La course aux suretés est désormais bien lancée et le nombre de participants est tel que les juristes se perdent dans des dédales pour rétablir l’ordre des créanciers. Mais la complexité seule serait trop aisée.

Voilà que l’incertitude pointe son nez ! Les atouts des garanties à première demande sont à jeter aux oubliettes, victimes d’une jurisprudence un peu trop chaloupée. Dénudées de l’inopposabilité exceptions, car requalifiées en cautionnement, certains juges trop capricieux n’ont su sécuriser une des plus belles garanties de substitution.

Finalement, au royaume des sûretés, les créanciers ne sont plus rois.

Mais tu sais créancier, il faut oublier, tout peut s’oublier…

La quête de la sûreté ultime, celle qui te donnera paix et tranquillité touche peut être à sa fin. La propriété renaît de ses cendres pour t’offrir ce que tu as tant cherché pendant des années : l’exclusivité, Saint Graal des sûretés, qui fera de toi un créancier hors-pair car hors concours.

Cession fiduciaire, clause de réserve de propriété, droit de rétention, tu as désormais le choix des armes. Multiplication de mécanismes salvateurs qui ne démontre finalement qu’un simple retour aux sources. Au cœur des tendances régressives du droit contemporain, propriété rime avec sécurité et s’élève en tant que nouvelle reine primitive de notre droit des sûretés.

Maître Frédéric Michel – Avocat Cannes

CatégorieDroit des affaires
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